Toucher
avec les yeux
Armé
de ses écrans et de ses tablettes, le monde n’a jamais été aussi
« tactile ». Il n’en est pas plus sensible pour autant. L’écran est
devenu une barrière obscure bien plus qu’une fenêtre ouverte sur le monde. C’est
de cette perte, de cette absence de contact dont parle mon travail. Cette
rencontre c’est celle des matériaux d’entre eux mais aussi celle du corps avec
le sensible.
Mes
écrans sont de pierre, de cire d’abeille, de pixels, des « surfaces
haptiques » qui appellent non seulement l’inscription de notre regard mais
aussi celle de notre corps entier. Car ces « matières-couleurs »
agissent sur nous comme des « charges » sensibles. On sent ainsi l’or
jaune (la cire d’abeille), on entend le silence blanc (la pierre) et les pixels
sont les pigments d’une peinture inachevée dans laquelle nous nous projetons.
Tout
est contact. Contact entre matières.
Le
contact c’est celui des gouttes de pluie mitraillant le pare-brise, celui de la
toile épousant le morceau de bois grâce à l’huile de lin, celui du papier de
verre râpant la douce pierre. La matière forme la matière. Mais le contact
c’est aussi la relation qu’entretient l’artiste avec le monde qui l’entoure. Il
est, en quelque sorte, lui aussi « surface sensible ». Il arpente,
collecte, expérimente le monde et ses matériaux dans lesquels il vient graver
son geste. Il se fait alors « reporter », « reporter » du
sensible.
Là
où la bonne mère Consommation captive, ensorcèle, endort en nous envoutant de
ses écrans vides, je cherche à provoquer une rencontre avec l’instant, avec cet
« ici et maintenant », ces sensations, ce contact avec le présent que
nous manquons chaque jour à travers de notre recherche de l’immédiateté lorsque
nous téléphonons en marchant, lisons nos mails dans le métro etc.
Paris, le
24.05.2013
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